« Les jeunes D. ont obtenu grâce à mon travail 7000 € chacun. Comment voulez vous que j'imagine un changement d'avocat ???? Dois je le deviner??????????????????? »
Publié le :
18/09/2025
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Ce titre, sans doute peu clair et peu engageant à première vue, est en réalité extrait d’un email que m’a adressé une consœur lorsque j’ai repris le dossier après elle.
Cependant, loin de moi l’idée de critiquer, par cet article, le travail de la consœur en charge de ce dossier, mais plutôt d’expliquer l’indemnisation des préjudices nés de violences sexuelles.
Revenons quelques années en arrière. J’ai reçu à mon cabinet une jeune femme victime d’agressions sexuelles lorsqu’elle était âgée de 6 ans. Son frère a également été victime des mêmes faits commis par le même agresseur.
Un jugement avait été rendu par le Tribunal saisi du dossier, l’agresseur a été reconnu coupable des faits et condamné, sur l’action civile, à verser aux deux victimes la somme de 7.000 euros chacun au titre du préjudice moral.
Je leur ai dit de faire appel de cette décision, convaincue qu’une indemnisation plus importante pouvait leur être versée.
Sur les faits et la procédure
En 1999, Madame D. était âgée de 6 ans et Monsieur D. de 3 ans. Les deux enfants, frères et sœurs, ont été gardé par une nourrice.
Pendant les temps de garde, le voisin adolescent de la nourrice se rendait chez sa voisine et commettait des violences sexuelles sur les enfants gardés par la nourrice (4 enfants ont été identifiés).
Une première plainte est déposée en 2006. L’affaire est classée sans suite.
Une nouvelle plainte a été déposée en 2011. Une instruction judiciaire a été ouverte.
Monsieur X a reconnu les faits d’agressions sexuelles sur les enfants. Il a reconnu avoir usé de stratagèmes tels que des jeux pour pouvoir isoler les enfants et les agresser sexuellement.
L’affaire a été renvoyée devant le Tribunal pour Enfants, Monsieur X (mineur au moment des faits) a été poursuivi des faits d’agression sexuelles commises sur 4 mineurs de moins de 15 ans dont les deux enfants D., alors assistés par une autre avocate.
En juillet 2019, le Tribunal pour Enfants a condamné Monsieur X pour les faits d’agressions sexuelles à une peine de 4 ans de prison avec sursis mise à l’épreuve pour une durée de 3 ans (l’ancien sursis probatoire).
Sur le volet civil, Monsieur X a été condamné à verser à chacun des enfants D. la somme de 7.000 euros au titre de leur préjudice moral.
Recevant Madame D. en consultation dans les jours qui suivent, je lui dis de faire appel de cette décision.
Sur le changement d’avocate
Les enfants D. ont décidé de me confier leur dossier pour la suite.
J’ai donc pris attache avec l’avocate les ayant assistés pour l’audience devant le Tribunal pour Enfants et l’informer de ma saisine, conformément aux dispositions du règlement intérieur national de la profession d’avocat (article 9.1).
L’article 9.2 du même règlement précise, concernant l’avocat dessaisi : « l’avocat dessaisi ne disposant d’aucun droit de rétention, doit transmettre sans délai tous les éléments nécessaires à l’entière connaissance du dossier ».
S’en est suivi une très longue période d’échanges peu cordiaux avec la consœur initialement saisie pour obtenir cette copie du dossier. Elle refusait de me le communiquer, au motif qu’elle ne comprenait pas ce que je pouvais faire de plus pour les clients, l’indemnisation allouée étant, selon elle, pleinement satisfactoire.
Il est vrai que le montant de l’indemnisation était plus élevé que le montant moyen alloué aux victimes d’agression sexuelle. Le fonds de garantie des victimes a publié un dossier de presse en 2018, au sujet de l’indemnisation des victimes de violences sexuelles[1].
Il en ressort que le montant moyen de l’indemnisation pour une victime d’agression sexuelle est de 5.000 euros.
Cependant, cette indemnisation n’était, selon moi, pas satisfaisante :
- D’une part parce qu’elle indemnisait un préjudice moral qui n’avait que peu sens, et se limitait alors à un seul poste de préjudice,
- D’autre part parce que la somme de 7.000 euros me semblait bien insuffisante au regard du préjudice de Madame et Monsieur D.
Sur l’indemnisation des victimes d’agressions sexuelles
Le dossier finalement récupéré, après plusieurs mois de bataille pour l’obtenir, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions a été saisie d’une demande d’expertise pour les deux victimes ainsi que d’une demande de provision.
En effet, les victimes d’agression sexuelle et de viol peuvent saisir la CIVI pour obtenir l’indemnisation intégrale de leur préjudice sans aucune condition particulière (article 706-3 du code de procédure civile).
Une provision de 5.000 euros a été versée à chacune des victimes.
Les expertises se sont tenues (dans des délais assez longs puisque le Covid a considérablement allongé les délais, outre les changements d’expert) et les préjudices de Madame et Monsieur D. ont été évalués.
La difficulté de ce dossier était l’ancienneté des faits et les difficultés à trouver des éléments pour justifier du préjudice.
Ils n’avaient pas consulté de psychologues, n’avaient pas eu de traitement médicamenteux, n’avaient même pas parlé des faits autour d’eux, ni même entre eux, pensant chacun être les seules victimes de Monsieur X.
Ainsi, le préjudice de Madame et Monsieur D. a été évalué principalement à partir de leurs déclarations.
Il a tout de même été retenu, pour chacun d’eux, des dépenses de santé, un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, un déficit fonctionnel permanent ainsi qu’un préjudice sexuel.
Le préjudice de Madame et Monsieur D. a été chiffré et un accord a été trouvé avec le fonds de garantie des victimes concernant le montant de leur indemnisation.
Résultats
Monsieur et Madame D. ont tous les deux perçu leur indemnisation :- Pour Madame D., le montant de l’indemnisation s’élève à 29.630 €,
- Pour Monsieur D., le montant de l’indemnisation s’élève à 38.725€
Conclusions : Madame et Monsieur D. ont eu raison de poursuivre la procédure pour tenter d’obtenir une indemnisation bien plus élevée que le montant obtenu en moyenne pour les victimes d’agressions sexuelles (et la décision de changer d’avocate n’était pas si absurde).
Historique
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